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Disorder in Discipline-



Tuesday 22 December 2009

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Dans quelques semaines, il ne sera plus possible, à Paris, d’échapper à Entrée des fantômes – qui n’est jamais que le quatrième livre de Sir Jean-Jacques Schuhl en quarante ans. Il faudra subir une cohorte de commentateurs, des éternels déçus aux sempiternels amoureux ébaubis. DiD vous propose d’en lire quelques lignes au calme – celui qui précède la fatigante tempête médiatique. Quelques lignes qui décrivent une photographie de Christine Keeler nue sur une chaise Arne Jacobsen rouge - photo que Schuhl attribue à David Bailey, bien qu’elle soit en fait de Lewis Morley. Aucune importance : le style n’est jamais affaire de précision, de vérité, et l’amnésie –toujours elle – est le fantôme même qui hante ce passage. Quand vous l'aurez lu, vous vous apercevrez, mais trop tard, que la reproduction de la planche contact ci-dessus est un contre-sens total... but she’s so a keeler…

« Je l’avais lu, ce mot, pour la première fois au beau milieu des si jolies années swinging sextiz quand les filles nouvelles n’avaient pas encore enfilé les armures, elles dansaient fragiles, avec un spleen impérial, sur les airs ironiques des Kinks, She’s bought a hat like Princess Marina, Good Golly Miss Molly, La la la la Potatoes.
« Ah… oui ? »
Je revois encore les photos et leur légende chaque matin dans France-Soir, cette merveilleuse et quotidienne machine à rêves en papier de quatre sous… une villa avec piscine dans l’ouest de Londres… un club de jazz la nuit non loin de la Tamise, un attaché naval soviétique et espion, le très distingué « ministre de la Défense de Sa Majesté » et un ravissant mannequin vedette – dont la photo, toute nue, avait, au moment du scandale, fait le tour du monde, en quelques heures. (….)
Je me rappelais très bien ses yeux verts, la finesse de ses traits, bouche ironique, pommettes légèrement saillantes, la chevelure de jais abondante et soyeuse qui accentuait sa pâleur et aussi les jambes : le profilage, l’évidement qui file vers l’inconnu : le con nu ?… elles enserraient le dossier noir comme si c’était son partenaire ou une armure. De la pure dynamite ! Enfin ! on peut toujours taper Keeler sur Google, peut-être que la célèbre photo de David Bailey apparaîtra sur l’écran. Mais moi je crois que la beauté, le charme est lié à une époque, tout ce qui est autour, la vibration du temps, une sorte de musique muette. Je n’aime guère les photos, les enregistrements. Je préfère les images que j’ai gardées dans la tête, même si elles sont imprécises et lacunaires… Ce sont les miennes, elles sont un peu vivantes. »

Jean-Jacques Schuhl, Entrée des fantômes, Gallimard, L’Infini, 2010.

2 comments:

  1. "Entrée des gateux"? ou comme le disait un ami "la fin du tube de dentifrice"... Encore un mythe franco parisien edifié sur une fausse absence et une vraie soif de reconnaissance. Reste le final bluffant de Telex n°1...

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  2. Il y a quelques années de ça, j'ai entendu la grande Hélène Azera à la radio faire la distinction entre Warhol (qui est un génie) et le warholisme (qui est une calamitée mondaine). Dans Entrée..., on trouve et Warhol et le warholisme, pour faire vite...

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